Promulgué en juin dernier, le projet de loi 55 de Malte peine à faire l’unanimité dans le secteur des jeux de hasard en Europe. Après l’Allemagne qui a émis des préoccupations quant à l’impact transfrontalier que pourraient causer les modifications à venir de cette loi, c’est au tour des parties prenantes néerlandaises d’entrer dans la danse. Une lettre a par conséquent été adressée au ministre de la Protection juridique par un collectif d’avocats afin d’attirer l’attention sur les conséquences négatives de l’amendement du projet de loi 55. Entre autres arguments, il est mentionné que cette loi est en contradiction avec de nombreuses dispositions du droit européen.
Des coudées franches à certains opérateurs de jeu qui vont à l’encontre des intérêts de plusieurs
Plusieurs avocats néerlandais ont signé une lettre ouverte au ministre de la Protection juridique, Franc Weerwind, faisant pression sur le gouvernement pour qu’il agisse contre la loi maltaise controversée, plus connue sous le nom de projet de loi 55. Cette lettre signée par cinq avocats impliqués dans les litiges contre des entreprises de jeux de hasard soutient que le gouvernement néerlandais devrait exprimer clairement son opposition au projet de loi 55 qui, selon elle, porte une atteinte grave au droit européen. En effet, le projet de loi dont il est question, promulgué en juin dernier, protège les opérateurs de jeux de toute responsabilité légale résultant de leurs activités autorisées par la Malta Gaming Authority (MGA).
Benzi Loonstein, Herman Loonstein et Johan Oosterhagen du cabinet d’avocats Loonstein Lawyers ont signé la lettre, tout comme Martijn Bonefass et Anton Heilig du cabinet Van Diepen Van der Kroef Lawyers. Comme précédemment évoquées, les deux entreprises sont fortement impliquées dans des poursuites judiciaires contre des sociétés de jeux agréées par la MGA et actives sur le marché gris européen. Des contentieux similaires en Autriche et en Allemagne ont donné lieu à des précédents juridiques dans des tribunaux supérieurs, selon lesquels les entreprises des jeux d’argent sont responsables de toutes les pertes historiques accusées par un consommateur.
La lettre faisait également savoir qu’il y a une attente et un espoir que ce raz-de-marée se produise également aux Pays-Bas, en plus de souligner une décision du conseil d’état néerlandais selon laquelle les offres du marché gris n’étaient jamais autorisées. Alors que la plupart des entreprises ont payé après avoir perdu de telles affaires, certains opérateurs ont continué à lutter contre la décision, notamment plusieurs marques 888 et Flutter. Les avocats ont mis en avant la jurisprudence européenne et néerlandaise.
Ils ont en effet fait valoir que, vu que les opérateurs maltais proposaient des jeux de hasard sans licence du régulateur néerlandais Kansspelautoriteit (KSA), ils devraient avoir l’obligation d’indemniser le joueur pour toutes les pertes. La lettre indiquait en outre que les sociétés de jeux opéraient illégalement en raison d’une violation de l’article 1 de la loi néerlandaise sur les paris et les jeux (KOA). Ledit article stipule que la violation du devoir de diligence a causé d’importants problèmes financiers, personnels et sociaux à de nombreux citoyens participants et à leur environnement. Selon l’esprit de la lettre, les exemples sont nombreux, mais malheureusement sous-exposés à ce jour.
Plusieurs incompatibilités avec les dispositions légales en vigueur au sein de l’Union européenne
La lettre adressée au ministre de la Protection juridique indiquait également que le projet de loi 55 constitue une violation du règlement de Bruxelles refondu. Il est ici question du droit de l’UE qui gère les jugements entre les états membres. Cependant, la MGA a défendu la loi sur ce point il y a quelques jours, en soulignant un article de la loi qui accorde une exemption si elle ne correspond pas aux principes de son système juridique. On peut également lire dans la lettre que le projet de loi 55 représente une ingérence dans le système judiciaire et législatif indépendant des Pays-Bas ainsi que de Malte.
Il y est par ailleurs mentionné qu’on tente d’empêcher les juges maltais de reconnaître et d’exécuter les décisions des juges néerlandais, allemands et autrichiens ; et d’ajouter qu’une loi comme le projet de loi 55 n’a pas de précédent dans l’UE et pourrait ainsi créer un dangereux précédent. Les avocats, compte tenu de toutes ces irrégularités, ont appelé le gouvernement néerlandais à défendre les intérêts des résidents et à garantir, via la Commission européenne, que Malte ne continuera pas à mépriser l’état de droit inscrit dans les traités de l’UE.
Après son adoption, la loi 55 a été critiquée par les politiciens et les régulateurs européens, beaucoup affirment qu’elle est finalement incompatible avec le droit européen. Le mois dernier, la Commission européenne a déclaré qu’elle chercherait à examiner le projet de loi 55, dans les réponses écrites d’une députée européenne antijeu, Sabine Verheyen. Cela a été suivi en août dernier par le régulateur allemand des jeux de hasard, GGL, qui a fait valoir dans une déclaration écrite que ce projet de loi n’était pas conforme au droit de l’UE.